Fédération Wallonie-Bruxelles|

"J'écris. Lisez. Je ne puis faire plus. Je n'en sais pas plus. Et, moi même, je suis foudroyé" ... C'est là le message de Blaise Cendrars à ses lecteurs. Pourtant ici comme toujours les frontières de sa littérature sont fluctuantes. La vie de l'homme semble devoir s'y estomper derrière l'imagination de l'écrivain. Car la vie finalement n'est-elle pas aussi baroque que telle qu'il la décrit ? "L'homme foudroyé" est un livre de Blaise Cendrars, publié en 1945 chez Denoël et régulièrement réédité depuis. C'est une suite de souvenirs et de rencontres. Pourra-t-on jamais vraiment savoir qui était vraiment cet "homme foudroyé" ? Était-ce le sergent van Lees qui, emporté par un obus, subit la mort la plus effroyable, et dont on ne retrouva que le pantalon vide et ensanglanté ? Était-ce Jicky, le cadreur perverti, sur la tête duquel une danseuse espagnole vindicative avait fracassé un grand flacon de parfum corrosif ? Était-ce Marco le transylvanien peut-être assassiné par le balafré qui venait d'être élu roi de la pègre de la zone sud ? Était-ce Gustave le Rouge, l'écrivain valognais à qui Blaise Cendrars semblait vouer une véritable admiration, mais que pourtant il décrit dans un intérieur glauque comme ivrogne et lunatique ? Ne serait-ce pas plutôt Blaise Cendrars lui-même ? Car tout ici est pittoresque et n'appartient pas vraiment à la réalité. "Il faut savoir prendre les gens comme ils sont", écrit Blaise Cendrars, "les mensonges aussi font partie de la personnalité ". Mais ce qui devient littérature reste-t-il encore imposture ? Blaise Cendrars transpose et écrit pour celui ou celle qui saura le lire. Il prétend n'avoir jamais pu écrire sans son petit Larousse de poche, qui lui évitait de faire au moins dix fautes d'orthographe par ligne. Et pourtant quelle littérature sort de sa plume ! C'est splendide et baroque, passionnant et intrigant. Lorsqu'il décrit Marseille, qu'il évoque la postérité de l'écrivain, qu'il rampe dans les tranchées à l'affût d'un bon coup de fusil, qu'il observe avec une longue-vue les allers et venues des bateaux et les relèves des gardiens du phare de Planier, qu'il surprend le Rouge dans son intimité, il écrit comme nul autre ne l'a fait avant lui. Ses mots prennent plus d'épaisseur que la vie même qu'il décrit. Tout prend ici une autre dimension. Ainsi va la Littérature de Blaise Cendrars ... Cependant que Dieu me savonne, et que Francis Lacassin me pardonne, mais dans le numéro 15 de la revue "triptyque" parue en 1928, Jean Cabanel* en est venu à décrire lui-aussi une soirée passée chez Gustave le Rouge, à y écrire une courte biographie de l'attachant bibliophile, et par delà même à le sortir de l'oubli avant que ses livres n'y soient tombés. Mais l'on ne prête qu'aux riches et BLaise Cendrars aurait été alors crédité auprès de le Rouge de bien plus qu'il ne lui devait ? Il n'empêche que "L'homme foudroyé" est un livre magnifique où la vie prend tout son sens, et où Blaise Cendrars donne aussi la preuve que "sa légende parisienne était la plus fausse de toute" ... *Jean Texcier
Consulter sur Babelio