Date :
26/12/2007 - 17:07:27 Auteur :Woland (via Babelio)
Rakovyï korpus
Traduction : A. et M. Aucouturier, L. and G. Nivat, J-P. Sémon
Ces derniers jours, je me suis branchée sur "Le Pavillon des Cancéreux", que je ne connaissais pas. Bon Dieu ! Quelle merveille ! Quelle veine romanesque et pourtant, comme l'intrigue prend tragiquement pied dans l'Histoire stalinienne et post-stalinienne !
Impossible, dès lors qu'on a commencé ce livre, d'abandonner ces personnages : depuis Paul Roussanov, fonctionnaire obtus ayant sa carte au Parti et ayant dénoncé (entre autres) un couple d'innocents pour s'emparer de leur appartement (Boulgakov aussi a impitoyablement dénoncé cette pratique ignoble) jusqu'à Kostoglotov, le double de l'auteur dans le roman, tous nous agrippent le coeur. Perso, j'ai lu ce roman en une journée et demie - et pourtant, c'est un "pavé." Et j'en redemande !
Résumer l'intrigue demanderait un temps dont je ne dispose pas aujourd'hui. Grosso modo, l'action se situe en 1955 - Staline est mort en 1953 et l'entreprise de déboulonnage du "Petit-Père des Peuples" est en cours - dans un hôpital kazakh, plus précisément dans la section de cet hôpital où l'on soigne les personnes atteintes du cancer. Celui-ci étant, comme la plupart des maladies, absolument insensible aux distinctions sociales et politiques, les malades que nous présente Soljenitsyne représentent en fait la société soviétique stalinienne : à Roussanov, le dénonciateur sans états d'âme que seule la crainte de la Mort amène à s'interroger sur ses pratiques passées, s'oppose la figure de Kostoglotov, ancien sergent de l'Armée rouge qui, pour avoir osé critiquer Staline, se retrouva au bagne avant de voir sa peine commuée en une relégation à perpétuité. Le duel est puissant et, en dépit des apparences, c'est Kostrogotov qui en sortira vainqueur.
Autre figure à retenir : celle de Choulabine. Atteint d'un cancer du rectum, celui-ci explique à Kostrogotov que, si l'existence imposée aux bagnards du goulag et aux relégués fut épouvantable, la vie de ceux qui s'inclinèrent sans rien dire et laissèrent Staline perpétrer ses crimes sans tenter au moins une révolte.
Et puis, bien entendu, il y a l'équipe soignante et l'on apprend avec ahurissement que, sur cinq chirurgiens payés par l'Etat soviétique dans cet hôpital, deux seulement sont à même de pouvoir exercer. Les trois autres n'ont de chirurgien que le titre et le salaire confortable, qu'ils ont acquis par protection ... Edifiant, non ? ...
En un mot comme en cent, "Le Pavillon des Cancéreux" est si fort que, du coup, j'ai relu la fameuse "Journée d'Ivan Denissovitch", qui lança la renommée de Soljenitsyne, et que je compte combler mes lacunes sur le Prix Nobel de Littérature 1970 en lisant par la suite "Le Premier Cercle" et l'intégrale de "L'Archipel du Goulag." ;o)
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Date :
15/01/2009 - 18:15:57 Auteur :Ludivine (via Babelio)
Dans cette Russie des années cinquante, Alexandre Soljenitsyne nous raconte l'histoire de ces patients atteint d'un mal incurable. Ils doivent faire face non seulement à la maladie mais également à la cohabitation avec les autres patients. Soljenitsyne nous parle de leur présent dans ce pavillon, mais aussi de leur passé. Il nous entraîne également dans l'univers des médecins et des infirmières confrontés à cette maladie et leur impuissance face à ces hommes qu'ils ne peuvent pas guérir mais juste soulager. A travers cette galerie de portrait, Soljenitsyne nous entraine au coeur de l'URSS.
Véritable chef d'oeuvre qui se lit facilement, même si les sujets abordés sont graves il y a toujours une lueur d'espoir et une volonté, une force chez ces hommes qui sont face a la maladie et à la mort. Une très belle leçon de vie, et une réflexion sur les hommes, l'amour, la vie et la mort.
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Date :
27/01/2009 - 13:09:44 Auteur :Dasazi (via Babelio)
Tout simplement essentiel. L'humanité sous toutes ses facettes. Consulter sur Babelio
Date :
27/08/2009 - 11:56:47 Auteur :BlueGrey (via Babelio)
De prime à bord, l'ouvrage paraît austère : 430 pages qui traitent de tumeurs, sarcomes et autres mélanoblastomes, cela n'a rien d'engageant... Or, ce pavé se lit avec une étonnante facilité ! L'écriture recourt à tous les tons (l'ironie, la raillerie, l'humour, l'harangue, la méditation intérieure...) et les langages se mêlent avec autant de virtuosité que de puissance.
Dans l'URSS des années 1950, au pavillon des cancéreux, la maladie, insensible aux différentiations sociales ou politiques, fait se côtoyer des individus que tout oppose. Filles de salles, médecins, patients, par les regards croisés des personnages aux passés divers et aux idéologies distinctes, Soljénitsyne expose un échantillonnage de la société russe à un moment charnière de son histoire : les prémices de la déstalinisation, juste après la mort du "petit père des peuples". Ainsi, le camarade Roussanov, communiste convaincu, fonctionnaire obtus maniant la dénonciation, est l'exemple type de l'exploitation sans vergogne du système. Avec ses aspirations bourgeoises, il incarne l'échec de l'idéologie communiste. Quant à Kostoglotov (personnage en grande partie autobiographique) après avoir vécu les purges staliniennes, la guerre, le goulag et la relégation, il incarne toutes les victimes d'un système perverti.
Soljénitsyne multiplie les personnages, les points de vue, les détails des plus prosaïques aux plus métaphysiques, et démontre la multiplicité des destinées humaines mais leur unicité devant la mort. Face à un mal réputé incurable, chacun se dévoile, oscille entre peur, résignation, révolte, espérance... Et s'il est bien question de maladie, il y est aussi et surtout question d'humanité. Car à travers le microcosme d'une chambre d'hôpital, c'est de l'humanité entière dont Soljénitsyne nous parle, de ses rêves, de ses espoirs, de ses doutes, autour de la question obsédante de savoir « ce qui fait vivre les hommes ».
« Cela faisait six mois que je souffrais comme un martyr, j'en étais arrivé le dernier mois à ne plus pouvoir rester ni couché, ni assis, ni debout sans avoir mal, je ne dormais plus que quelques minutes par vingt-quatre heures, eh bien, tout de même, j'avais eu le temps de réfléchir ! Cet automne-là, j'ai appris que l'homme peut franchir le trait qui le sépare de la mort alors que son corps est encore vivant. Il y a encore en vous, quelque part, du sang qui coule mais, psychologiquement, vous êtes déjà passé par la préparation qui précède la mort. Et vous avez déjà vécu la mort elle-même. »
« Nous avons beau nous moquer des miracles tant que nous sommes en bonne santé, en pleine force et en pleine prospérité, en fait, dès que la vie se grippe, dès que quelque chose l'écrase et qu'il ne reste plus que le miracle pour nous sauver - eh bien, ce miracle unique, exceptionnel, nous y croyons ! »
« - Très-très bon cliché ! Très-très bon ! Il n'y a pas lieu d'opérer !
Et la malade reprenait courage : son état n'était pas seulement bon, mais très-très bon !
Or si le cliché était très bon, c'est qu'il dispensait d'en refaire un autre, et montrait de façon indiscutable les dimensions et les limites de la tumeur. C'est aussi qu'il était désormais trop tard pour opérer. »
Alors oui, les thèmes abordés sont graves et sombres, mais il se dégage de ses pages une bonhomie souriante des plus réjouissante ! Consulter sur Babelio
Date :
15/05/2011 - 18:23:53 Auteur :colimasson (via Babelio)
Soljenitsyne nous permet d'effectuer une formidable traversée de la psychologie de chacun de ses personnages. Leurs sentiments et leurs contradictions sont analysés avec une acuité perçante. Soljenitsyne fait preuve d'une humanité remarquable et ne dévalorise jamais ses personnages, leurs travers, vices et mensonges étant toujours les conséquences regrettables d'une lutte qu'ils n'arrivent pas à mener dans l'objectif de donner un sens à leur vie. Malgré tout ce qui leur tombe sur les épaules, malgré le sentiment d'immense injustice que peut leur inspirer cette succession d'évènements nauséabonds qui a formé leur vie depuis leur naissance jusqu'à l'éclosion de leur cancer, l'espoir n'est jamais bien loin, et ce message est d'autant plus fort qu'il jaillit au coeur de ce lieu morbide qu'est le pavillon des cancéreux. Consulter sur Babelio
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Rakovyï korpus Traduction : A. et M. Aucouturier, L. and G. Nivat, J-P. Sémon Ces derniers jours, je me suis branchée sur "Le Pavillon des Cancéreux", que je ne connaissais pas. Bon Dieu ! Quelle merveille ! Quelle veine romanesque et pourtant, comme l'intrigue prend tragiquement pied dans l'Histoire stalinienne et post-stalinienne ! Impossible, dès lors qu'on a commencé ce livre, d'abandonner ces personnages : depuis Paul Roussanov, fonctionnaire obtus ayant sa carte au Parti et ayant dénoncé (entre autres) un couple d'innocents pour s'emparer de leur appartement (Boulgakov aussi a impitoyablement dénoncé cette pratique ignoble) jusqu'à Kostoglotov, le double de l'auteur dans le roman, tous nous agrippent le coeur. Perso, j'ai lu ce roman en une journée et demie - et pourtant, c'est un "pavé." Et j'en redemande ! Résumer l'intrigue demanderait un temps dont je ne dispose pas aujourd'hui. Grosso modo, l'action se situe en 1955 - Staline est mort en 1953 et l'entreprise de déboulonnage du "Petit-Père des Peuples" est en cours - dans un hôpital kazakh, plus précisément dans la section de cet hôpital où l'on soigne les personnes atteintes du cancer. Celui-ci étant, comme la plupart des maladies, absolument insensible aux distinctions sociales et politiques, les malades que nous présente Soljenitsyne représentent en fait la société soviétique stalinienne : à Roussanov, le dénonciateur sans états d'âme que seule la crainte de la Mort amène à s'interroger sur ses pratiques passées, s'oppose la figure de Kostoglotov, ancien sergent de l'Armée rouge qui, pour avoir osé critiquer Staline, se retrouva au bagne avant de voir sa peine commuée en une relégation à perpétuité. Le duel est puissant et, en dépit des apparences, c'est Kostrogotov qui en sortira vainqueur. Autre figure à retenir : celle de Choulabine. Atteint d'un cancer du rectum, celui-ci explique à Kostrogotov que, si l'existence imposée aux bagnards du goulag et aux relégués fut épouvantable, la vie de ceux qui s'inclinèrent sans rien dire et laissèrent Staline perpétrer ses crimes sans tenter au moins une révolte. Et puis, bien entendu, il y a l'équipe soignante et l'on apprend avec ahurissement que, sur cinq chirurgiens payés par l'Etat soviétique dans cet hôpital, deux seulement sont à même de pouvoir exercer. Les trois autres n'ont de chirurgien que le titre et le salaire confortable, qu'ils ont acquis par protection ... Edifiant, non ? ... En un mot comme en cent, "Le Pavillon des Cancéreux" est si fort que, du coup, j'ai relu la fameuse "Journée d'Ivan Denissovitch", qui lança la renommée de Soljenitsyne, et que je compte combler mes lacunes sur le Prix Nobel de Littérature 1970 en lisant par la suite "Le Premier Cercle" et l'intégrale de "L'Archipel du Goulag." ;o)
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