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Héritière orpheline pas encore rentrée en jouissance de sa fortune, Eva Trout, être fruste, pataud et peu féminin, a décidé de s'affranchir de la tutelle morose des adultes. Le récit présente à mesure la personnalité de l'héroïne éponyme, dévoilée peu à peu par les personnes qui en avait la charge, qui la côtoie : Eva Trout est plus évoquée qu'autre chose, elle reste dans la coulisse, c'est dans le portrait en creux de cet être embarrassé de lui-même que réside l'intérêt - bien mince, du roman.
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Eva Trout est une jeune orpheline, bientôt richissime héritière de son père. Fuyant son tuteur, ancien ami de son père, elle part chez une ancienne enseignante vivant en couple, fréquente la famille d'un pasteur, les quitte rapidement pour une maison isolée au bord de la mer, puis va aux Etats-Unis où elle a un fils et revient quelques années plus tard, les péripéties avec les mêmes personnages continuant de s'enchaîner. Dernier roman d'Elizabeth Bowen, écrivaine anglo-irlandaise contemporaine et amie de Virginia Woolf, Eva Trout est construit autour de quelques scènes essentiellement dialoguées, dans lesquelles se confrontent les différents protagonistes, et qui apparaissent comme autant de fragments et de facettes destinés à éclairer la personnalité et la destinée de l'héroïne. Car on peut se demander quelle est la personnalité d'Eva. Elle a surtout soif d'autonomie et d'indépendance, mais elle se heurte continuellement aux convoitises et aux désirs de ceux qui l'approchent. Elle est un miroir dans lequel les autres se réfléchissent. Pour se défendre, elle développe deux stratégies, la fuite et le mensonge, mais celui-ci ne tarde pas à se retourner contre elle. Ses ennemis réels ou imaginaires s'épient, se trahissent, se déchirent ou se rapprochent pour mieux la posséder, elle, sa beauté ou sa fortune. Eva est abandonnée, par sa mère qui quitte le foyer et meurt dans un accident d'avion, par son père qui se suicide, et par l'enseignante admirée chez qui elle a trouvé refuge. Pour tenter d'interrompre ce cycle infernal, elle adopte un enfant dont le handicap ne lui permettra pas d'entrer en communication avec lui. Ce livre, dont la construction et les recherches formelles déconcertent, est un jeu de pistes, où rien n'est donné d'emblée, et où l'étau se resserre petit à petit. Nous sommes dans un monde d'illusions, d'apparences, de faux-semblants où toutes les situations et les dialogues, taillés comme des diamants et retravaillés sans cesse par l'autrice, peuvent être interprétés de multiples façons. Elizabeth Bowen a, semble-t-il, voulu mettre beaucoup de choses dans ce livre aux accents autobiographiques, écrit à la fin de sa vie : la quête d'une mère perdue très jeune, l'importance des maisons et châteaux, abandonnés eux-aussi, la puissance de l'argent, la difficile construction de la personnalité quand on n'a pas d'attaches, les ambiguïtés de toute forme de communication et les échanges entre les personnages sont, à ce titre, tout-à-fait éloquents... Eva Trout est un livre passionnant, difficile d'accès, qui donne envie de réhabiliter cette écrivaine moderniste et de poursuivre la découverte de son oeuvre.
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Eva Trout est le premier roman que je découvre de Élisabeth Bowen. Il fut le dernier de son oeuvre. Ce livre est riche et dense. On perçoit la texture du monde quand elle décrit certains paysages, des lacs, des châteaux, des maisons, des villes. Couleurs, matières et odeurs sont au coeur du texte. Le personnage de Eva Trout n'est pas facile à cerner. Elisabeth Bowen ne prend pas le lecteur par la main pour qu'il s'attache à cette personne qui nous apparaît ambigue, étrange, mystérieuse, étonnante pour le moins. Dans un premier temps, elle m'a inspiré une forme de pitié. Elle était une jeune femme, qui n'avait pas encore l'âge de la majorité. Orpheline, elle avait un tuteur. Elle allait devenir extrêmement riche une fois sa majorité atteinte. Elle ne semblait pas connaître les codes de la communication. Elle paraissait séparée de ses semblables par une vitre. Le lecteur, peiné pour elle, pouvait ainsi, d'une certaine façon, s'attacher à elle, lui accorder le bénéfice du doute, supposer que elle devait souffrir en raison de cette distance qui l'éloignait des autres. Son comportement , surprenant , pouvait être expliqué par une enfance douloureuse. Sa mère avait abandonné son mari et sa fillette alors que celle-ci était une très jeune enfant. Son père, actif professionnellement, voyageant de par le monde, prenait sa fille avec lui, occasionnellement, maladroitement peut-être. Elle était une sorte de paquet qu'on emmenait par delà les frontières. Elle a connu une enfance atypique, a rarement côtoyé des camarades. Une fois adulte, elle semble pataude dans ses contacts avec les autres. Son physique aussi est particulier. Elle est une grande femme assez massive qui impressionne et qui séduit aussi sans en être nécessairement consciente. Au début du livre sont présentés une famille dont le chef est un pasteur entouré de sa femme et de ses enfants ainsi qu'un couple marié dont la femme a été une enseignante très appréciée par Eva lorsqu'elle était enfant ou adolescente. On comprend qu'Eva a souffert de solitude dans son enfance et Iseult, qui s'intéressait à elle, a pris une grande place dans son paysage affectif. Le livre est constitué par un certain nombre de scènes assez peu reliées entre elles. La première nous montre Eva avec la femme du pasteur et ses enfants qui vont visiter un lac et voir un château de l'extérieur où Eva a séjourné enfant. L'étrangeté règne.Il semblerait qu'Eva a failli se marier à ce moment-là. Il semblerait ensuite que ce projet n'ait été qu'un mensonge. Ensuite l'ensemble du roman se déroule avec un certain nombre de raccourcis. Eva se retrouve aux États-Unis dès qu'elle est émancipée. Elle adopte un bébé de 3 mois qui se révèle ensuite être sourd et muet. Huit ans après, elle revient en Angleterre et elle reprend contact avec la famille du pasteur, avec le couple qui l'avait accueillie et avec son tuteur. La relation avec son fils est d'ordre fusionnel. Cette relation se relâche quelque peu puisque l'enfant grandit, Eva tombe amoureuse de l'un des enfants, devenu jeune adulte, du pasteur. Ces évolutions se succèdent de façon assez abrupte. Le lecteur, d'une certaine façon, doit remplir les vides ou interpréter. Eva est souvent donnée à voir par le regard des autres et non pas par l'intermédiaire de son intériorité propre ce qui ajoute à l'effet d'étrangeté et de mystère propre au personnage. Cette façon d'écrire a tendance à tenir le personnage de Eva trout assez éloigné du lecteur. Il est compliqué de s'attacher à elle. On la voit agir de façon impulsive assez peu compréhensible. Cependant, ce que l'on sent de sa solitude d'enfance la rend touchante. Lorsqu'on la voit agir avec son fils, elle est plutôt touchante. De même lorsqu'on la voit amoureuse de Henry, le jeune homme qu'elle a connu enfant. En revanche, sa réaction envers son fils lorsqu'elle est amoureuse de Henry m'a mise mal à l'aise. Elle aime Henry. Elle fera sa vie avec lui. L'éloignement avec son fils est donc selon elle inévitable. Elle semble accepter froidement cette évolution. Il est réellement compliqué de suivre sa psychologie. Ce roman nécessite de la part du lecteur une certaine une attention mais il le mérite en raison de sa richesse, de sa profondeur, de son ambiguïté, de la qualité de son style Tous les personnages sont également développés et approfondis. De nombreuses scènes, dont la dernière, étonnent et donnent lieu à de multiples interprétations. Cette liberté de lecture ne m'a pas gênée, au contraire, la réalité étant complexe et loin d'être univoque. J'ai lu que l'écriture d'Elisabeth Bowen pouvait être rapprochée de celle de Virginia Woolf. Il me semble effectivement que ces deux auteures innovent. w Elles prennent des risques, et suivent une démarche de quête personnelle en matière littéraire.
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