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La trame de "L'été avant la nuit" est simple. Elle met en scène Mme Michael Brown - Kate - qui, après d'excellentes études, a consacré sa vie entière à sa famille, composée de quatre enfants et d'un mari, neurologue de renom. La vie s'est déroulée sans heurts majeurs ni drame dans la belle maison de Londres, et au cours de cette existence bien réglée, Kate Brown, outre qu'elle est bilingue, a développé de remarquables compétences logistiques, organisationnelles et de gestion, doublées de qualités innées de communication et d'attention aux autres. Savoir, savoir-faire et savoir-être qui pourraient justement, la vie est bien faite, la désigner à travailler durant l'été pour l'organisation institutionnelle "Nourrir le Monde", qui recherche très précisément un ou une interprète de langue portugaise, qui soit doté d'un solide bagage culturel et apte à s'occuper consciencieusement, voire maternellement, de congressistes cocoonés venant de tous les horizons. Kate rempli tous ces critères et elle est tentée. Mais à dire le vrai, elle est surtout affectueusement poussée par son entourage. Pour la première fois en effet, elle ne sert plus à rien à la maison. Devenus grands, ses enfants, y compris le petit dernier, vont s'éparpiller de part le monde pour les vacances et son neurologue de mari a, de son côté, son propre congrès de neurologie aux États-Unis ; sans compter qu'il compte bien profiter de ce séjour pour avoir, comme il lui arrive, quelque aventure sans lendemain. Kate accepte donc et naturellement, sa vie ne peut manquer de basculer, à ce tournant sensible du "middle-aged women" et dans ces années 70 à peine libérées, où les femmes de l'âge de Kate s'habillent encore chez "Jolie Madame". Doris Lessing entre à merveille dans la psychologie de son personnage et restitue de façon magistrale la "tempête sous un crâne" qui conduit la sage Kate d'Istanbul à Londres en passant par l'Espagne, pour un voyage initiatique spatio-temporel peuplé de rêves, messages des profondeurs adressés à sa conscience. Long, détaillé, "L'été avant la nuit" est aussi un récit universel, où chacun arrivé au mitan de sa vie peut être amené à s'interroger sur le sens qu'il lui a donné et parfois, accomplir un virage à 180 degrés !
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Une femme dans la quarantaine a l'occasion de se retrouver sans son mari , sans ses enfants, sans sa maison et de réfléchir à sa vie. Engagée comme interprète occasionnelle, elle s'impose en quelques semaines dans ce nouveau milieu, puis elle suit un jeune homme, tombe malade et finit dans un gourbi en compagnie d'une jeune fille qui hésite entre un riche, un pauvre et rester célibataire. C'est bien écrit, mais la vision reste très extérieure et froide, un peu comme celle d'un entomologiste ou d'un sociologue. C'est un peu comme un pudding anglais, la première bouchée est goûteuse, mais le reste est lourd et de plus en plus difficile à avaler à mesure qu'on avance dans le roman (à l'image du rêve récurrent de Kate et de son phoque).
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Kate s'essaie à la vie. Sur proposition de son mari et d'un ami de celui-ci, le couple loue sa villa pour la saison et chacun·e part travailler pour une organiation différente, lui dans une université américaine, elle pour une organisation caritative Nourrir Le Monde. Elle loue une chambre, renouvelle sa garde robe et devient rapidement une référence d'élégance et de serviabilité dans son nouveau lieu de travail. Si bien qu'elle ait promu, de traductrice elle passe à coordinatrice des congrès internationaux. Sa distance avec son foyer familial, et son expérience de nouveaux modes de vie la poussent à la réflexion. Le temps d'un été, quelques mois seulement, ce sont des années de vie qui sont interrogées, cela en valait-il la peine, tout ce temps consacré à la cellule familiale, au mari, à la tenue d'une maisonnée ? À domicile ou en salle de réunion elle s'intègre parfaitement au décor, elle s'y fond, elle sait se rendre utile. C'est ce rapport à l'autre, ce que l'autre recherche chez elle et retire d'elle, qui comment à la déranger, elle ressent un certain malaise à comprendre ce qu'elle représente pour les autres. L'autrice, Doris Lessing, décrit avec acuité le parcours mental, intellectuel et onirique qui permet à la protagoniste du roman de se rendre compte qu'elle avait passé une partie majeure de sa vie, à plaire aux autres, elle était devenue dépendante et addict à cette confirmation par l'autre de sa valeur intrinsèque. L'autrice met en scène Kate qui, décidée à se connaître davantage et à mettre à l'épreuve le déterminisme social des comportements ordinaires, met en place de réelles expériences sociale. À plusieurs reprises elle arpente les mêmes rues de Londres, sur des créneaux horaires proches, en changeant de tenue et de présentation de soi. Elle remarque que lorsqu'elle ne fourni plus d'efforts, qu'elle ne s'épuise plus, à s'apprêter en obéissant aux idées de beauté féminine conçues par la gent masculine, elle devient pratiquement invisible et peut se déplacer dans la ville sans se faire interpeller par des hommes sur son chemin. À l'inverse, quand elle se conforme à la figure de la femme désirée et séduisante, elle se fait siffler, on l'invite à dîner. Il s'agit d'un exemple parmi d'autres puisqu'au sein de roman les lecteurices retrouveront de nombreuses situations décortiquant les pressions sociales auxquelles les femmes, et plus particulièrement les femmes de plus de quarante ans, font face. Doris Lessing signe ici un roman complexe et riche pour les questions féministes. On y retrouve des sujets essentiels : le travail domestique, le male gaze (concept popularisé deux ans après la publication de ce livre, par la réalisatrice et critique de cinéma Laura Mulvey, dans un article nommé "Visual Pleasure and Narrative Cinema"), le traitement social de l'adultère. Kate et Mrs Michael Brown, deux entités au sein d'une même personne, la première réussira-t-elle à ne plus être étouffée par le formalisme de la seconde ?
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