Fédération Wallonie-Bruxelles|

Moses Herzog, un intellectuel juif proche de la cinquantaine, d'origine Canadienne mais vivant aux Etats Unis, vient d'être largué par sa femme Madeleine. Celle-ci, décrite dans le discours d'Herzog comme une belle garce, a mis Moses à la porte de sa propre maison pour s'installer avec son meilleur ami, un animateur de radio unijambiste. Herzog n'est pas seulement largué par sa femme, c'est un largué de la vie. Brillant intellectuel, reconnu par ses pairs, il a rédigé une thèse lorsqu'il était étudiant qui fait toujours référence et qui a établi son statut d'universitaire. Malheureusement, il semble s'être enlisé depuis. Il n'a pu en effet, transformer l'essai d'un début de carrière prometteur, et n'arrive pas à finir le livre sur lequel il travaille depuis plusieurs années. Sa séparation qu'il rumine sans cesse, le plonge dans une forme de dépression aiguë qui le pousse à entretenir une correspondance absurde avec des être qu'il a connus, dont certains sont décédés où d'illustres personnages historiques qu'il n'a pu fréquenter. Ces lettres qu'il rédige avec ferveur, notamment lors de ses transports, parfois mentalement, constituent le corpus principal du roman. Saul Bellow, passant parfois sans transition du récit au délire mental de son personnage principal semble vouloir perdre le lecteur dans les méandres labyrinthiques des pensées dérangées d'Herzog. Cette structuration du récit, ne rend pas aisée la lecture du roman, qui peut exiger une grande attention au risque d'avoir le sentiment de divaguer péniblement au fil des pages. Un peu comme Moses divague, perdu dans ses pensées au beau milieu des contingences de la vie. février 2014
Consulter sur Babelio

Premier Quarto des éditions Gallimard consacré à Saul Bellow. Il comporte une préface où Philip Roth livre ses remarques et impressions sur plusieurs romans de l'auteur nobélisé et notamment sur ceux de cette édition mais aussi sur « Les aventures d'Augie March » et « Le don de Humboldt » paru dans un second Quarto et précédemment commenté. « Herzog », Saul Bellow. Moses Herzog est un universitaire. Il donne des cours du soir sur le romantisme. Doté d'une santé mentale déclinante, il se retire dans sa maison de campagne des Berkshire dans le Massachussetts. Il est en plein divorce de sa seconde épouse, Madeleine, avec qui il a eu une fille, June. Madeleine est partie refaire sa vie avec Valentin Gersbach, son ex meilleur ami et unijambiste. Herzog pris dans une tourmente existentialiste, note frénétiquement tout ce qui lui passe par la tête... Herzog fait partie de cette brochette de personnages qu'affectionne Bellow, Augie March, Charlie Citrine ou Moses Herzog, tous innocents, naïfs, désarmés face à la société dans laquelle ils se débattent. Ils flirtent parfois avec la médiocrité et ont en eux une part de lâcheté. Ils sont souvent dans l'indécision, incapables de trancher et pratiquent régulièrement le renoncement devant l'action. Ce ne sont pas des aventuriers dans l'âme, ils sont plutôt les victimes de leurs aventures. Les femmes sont souvent leurs principales conquêtes et leurs inexorables défaites. Comme le souligne Herzog : « Je ne comprendrai jamais ce que veulent les femmes. Oui, qu'est-ce qu'elles veulent ? Elles mangent de la salade verte et boivent du sang humain. » C'est aussi l'occasion pour lui de dresser le bilan de sa vie et d'apporter de l'eau au moulin de sa dépression. Force est de constater qu'Herzog fait partie de ces hommes dont les relations amoureuses qu'ils ambitionnent sont au-delà de leur seuil de compétence et qu'il ne peut en résulter qu'un échec cuisant, ne réussissant pas à combler pleinement les attentes de leurs partenaires. Il constate : « Ce qu'elle avait recherché avec acharnement, c'était précisément un Herzog ambitieux. Pour lui faire un croc-en-jambe, l'aplatir et l'abattre avant de l'achever et de répandre sa cervelle par terre d'un coup de pied assassin, la garce ! » Le divorce est un thème récurrent dans l'oeuvre de Bellow. Ce dernier a lui-même été marié cinq fois. Le personnage d'Herzog est sans doute le plus élaboré, le plus complexe, le plus contradictoire de la galaxie de l'auteur. « Herzog » est le roman idéal pour découvrir l'univers romancé de Bellow. Il y déploie toute sa fantaisie, antichambre de sa folie, qui donne à cette oeuvre toute son originalité. C'est le roman par lequel il est opportun d'entamer l'exploration de la réflexion féconde de Saul Bellow sur la société. Publié en 1964 aux États-Unis. 330 pages. « La planète de M. Sammler », Saul Bellow. M. Artur Sammler a 70 ans. Borgne, ce qui fait de lui un roi parmi les aveugles. Il a perdu son oeil après avoir reçu un coup de crosse de fusil d'un soldat allemand pendant la seconde guerre mondiale. Il est le rescapé d'une exécution de juifs après s'être extirpé de sous les corps sans vie de ses camarades et s'être enfui. Il a été à son tour un meurtrier, mais peut-on parler de meurtre en temps de guerre. Il a passé une vingtaine d'années à Londres avec sa fille Shula où il a fréquenté H. G. Wells. Aujourd'hui il mène une vie tranquille dans le West Side où il observe les gens et la société déclinante qui s'enfonce lentement vers différentes formes d'aberrations ou de dépravations, signes avant-coureurs de l'extinction d'une civilisation. Une conférence sur l'habitabilité de la lune, les parties carrés de sa nièce Angela, le vol d'un manuscrit par sa fille Shula, un pique Pocket dans un bus... Autant de signes d'une société malade. Bellow dénonce la révolution des moeurs des années soixante à travers l'oeil valide et critique de M. Sammler. Son personnage a l'expérience et la sagesse, pour avoir connu ce que l'homme peut perpétrer de plus horrible, pour juger avec néanmoins une certaine bienveillance la légèreté, l'insouciance et l'irresponsabilité de cette génération qui ne mesure pas l'inconséquence de ses idées ou de ses actes et dont l'immaturité n'a d'égale que leur inconscience. Quand on voit qu'aujourd'hui rien n'a changé, que les gens mettent le peu d'intelligence qu'ils ont pour inventer des systèmes loufoques, légaliser des attitudes contrenatures, pervertir les relations humaines en les artificialisant, en les synthétisant, on sait que la bêtise est promise à un bel avenir. Alors quand va-t-on unanimement dénoncer cette infame imposture qu'est ce projet de société que l'on tente par tous les moyens de nous imposer ? M. Sammler est le gardien du phare dont la lumière vacillante ne nous guide plus car nous regardons nos pieds. Publié en 1970 aux États-Unis. 226 pages. Glossaire de Jean Baumgarten. Nouvelle traduction de Michel Lederer. Editions Gallimard, collection Quarto, 608 pages.
Consulter sur Babelio